Nous avons le plaisir de vous présenter un article invité rédigé par Elsa, une experte reconnue en élevage et nutrition de poules pondeuses. Son expérience et ses conseils précieux vous guideront dans votre quête d’autonomie grâce à l’élevage de poules. Bonne lecture !
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Quels sont les problèmes alimentaires courants chez les poules pondeuses et comment les prévenir ou les traiter ?
Tout d’abord, si vous faites naître vos poules pondeuses, sachez que la phase de croissance de 0 à 5 mois est cruciale. Aucune impasse ne doit être faite sur la qualité de l’aliment proposé pendant cette période, car les défauts de développement des organes et du squelette sont irrattrapables. Ils auront des conséquences sur la santé de la poule et sur sa productivité tout au long de sa vie. Pendant la croissance, un bréchet (os droit que l’on sent au milieu du poitrail en palpant l’avant du corps) qui dévie et se tord est par exemple le signe d’une carence en calcium, phosphore et vitamine D3.
Le problème alimentaire le plus répandu chez les poules pondeuses adultes est le déficit protéique de la ration. La vieille croyance populaire transmise de génération en génération disant qu’une poule se contente d’une poignée de blé et de maïs par jour a la peau dure. Pourtant, une poule qui mangerait une ration exclusivement composée de céréales équivaudrait à un humain qui se nourrirait exclusivement de polenta et de pâtes… Pour la santé de vos poules, et accessoirement leur productivité puisque nous sommes dans une démarche d’autonomie alimentaire, pensez protéines !
Un manque de protéines sera d’autant plus visible lors de la mue. Si cette dernière s’éternise et dure des mois, sans que les poules parviennent à refaire leurs plumes, c’est que la ration de vos poules manque de protéines.
Autre croyance tenace : les poules sont des poubelles, elles se nourrissent de nos épluchures de légumes et de nos restes de table. Ces aliments ne doivent en réalité pas dépasser 5% de leur apport alimentaire quotidien. Les épluchures de légumes contiennent certes des vitamines et des fibres, mais elles n’apportent quasiment aucun autre élément nutritif (taux de protéines et de glucides très bas voire nuls). Quant aux restes de tables, il faut trier. Tout ce qui est épicé, sucré ou salé, est à proscrire. Les protéines de viande, d’œufs ou de poissons, elles, sont intéressantes.
L’aspect des fientes est un bon indicateur de l’équilibre de la ration et de la santé de vos poules. On distingue les fientes intestinales, issues de la digestion des aliments, des fientes caecales, résultant de la vidange d’organes situés avant le rectum. Les fientes intestinales, directement liées à ce que vous donnez à manger à vos poules, doivent être consistantes, bien moulées, ni trop liquides, ni trop visqueuses. Une fiente intestinale normale est plutôt compacte avec un dépôt blanc dessus qui correspond à l’urine. Vous pouvez l’attraper à la main sans quasiment vous salir les doigts. Il arrive qu’il y ait des loupés (caca liquide suite à un stress ponctuel), mais la majorité des fientes intestinales doivent se présenter ainsi. Sinon, revoyez la ration et/ou vérifiez que vos poules n’ont pas de vers intestinaux. Des poules qui ont des vers vont progressivement maigrir et développer des carences, car les vers présents dans leur système digestif absorbent les nutriments qu’elles ingèrent.
On conseille 1 à 4 vermifuges par an, un nombre qui varie selon :
– la contamination du terrain en œufs de vers (non visibles à l’œil nu et excrétés dans les fientes des poules infestées de vers)
– la densité de poules au mètre carré (plus il y a de poules au mètre carré, plus il y a de fientes potentiellement porteuses d’œufs de vers, et plus les poules vont se recontaminer rapidement en picorant au sol).
Nous vous conseillons de donner à manger à vos poules dans des gamelles lavées régulièrement, et non directement au sol. Cette pratique limite l’ingestion des œufs de vers présents à la surface du sol. Pour éviter d’attirer les rats et autres rongeurs, ainsi que les oiseaux du ciel, l’idéal est même de vous équiper de mangeoires anti-nuisibles à pédales. Vos poules s’habitueront à ce système en moins d’un mois. Cela évitera à la fois le gaspillage d’aliment, et le pillage par d’autres animaux. De belles économies en perspective !
Pour une prise alimentaire optimale de la part des poules dominées, car la hiérarchie est très forte chez les poules, prévoir un point d’alimentation pour 5 poules. Ceci est valable aussi quand vous distribuez une pâtée humide dans des plats, cela évite la compétition au moment de la distribution.
Enfin, l’eau de boisson doit être propre et mise à disposition dans un abreuvoir lavé tous les 2-3 jours pour éviter le développement d’algues et de bactéries, surtout à la belle saison.
Quelles précautions les éleveurs devraient-ils prendre pour assurer que la nourriture des poules n’est pas contaminée ?
Stockez-la à l’abri des rongeurs. S’ils élisaient domicile chez vous, ils grignoteraient l’aliment de vos poules, urineraient et répandraient leurs déjections partout. Or, les rats peuvent transmettre la leptospirose et d’autres maladies peu sympathiques transmissibles à l’homme. Lavez-vous les mains quoi qu’il en soit quand vous revenez du poulailler. On n’est jamais trop prudent. Pour éviter le contact entre les rongeurs et l’aliment (qu’il soit du commerce ou maison), stockez ce dernier dans de grandes poubelles plastiques hermétiques.
La nourriture doit aussi être stockée à l’abri de l’humidité, car celle-ci entraine le développement de moisissures qui produisent des toxines. Ces mycotoxines ont des effets néfastes sur les poules. Elles s’attaquent non seulement à leur foie et à leurs reins, mais aussi à leur capacité de reproduction, ce qui influe négativement sur la quantité d’œufs produits, puisque rappelons-le, les œufs sont des ovules de poule.
Il est utile de préciser qu’il existe deux types de mycotoxines : celles qui se développent au champ, avant la récolte, et celles qui se développent pendant le stockage, après la récolte. Donc même si vous stockez vos céréales et co-produits de céréales – les principales matières premières concernées par les mycotoxines -, dans de bonnes conditions, il se peut qu’elles aient été contaminées au champ. Plus les conditions printanières et estivales de culture et de récolte étaient humides (années pluvieuses), plus la matière première est potentiellement contaminée par des mycotoxines.
Chez les fabricants d’aliments, les contrats d’achats des matières premières qu’ils font rentrer dans leurs usines prévoient des quantités maximales de mycotoxines acceptables à ne pas dépasser. Les années pluvieuses où les mycotoxines sont plus présentes, ils ajustent la formulation des aliments en jouant sur la quantité de chaque matière première qui contient des mycotoxines, du taux de contamination de celle-ci et du type de mycotoxines présentes dans celle-ci. Les lots de céréales ou co-produits de céréales les plus chargés en mycotoxines sont utilisés en très petites quantités dans les formules et le plus souvent pour d’autres espèces animales qui y sont moins sensibles. Si besoin, les fabricants incorporent à l’aliment un capteur de mycotoxines pour limiter leur impact sur l’organisme de nos poules. Il s’agit entre autres d’argiles à la structure en feuillets qui va venir piéger les mycotoxines entre ses feuillets.
Si vous achetez des matières premières en direct à un agriculteur, ou chez un autre fournisseur, pour fabriquer vous-même votre aliment maison pour poules pondeuses, vous n’avez aucune garantie sur leurs teneurs en mycotoxines. Restez donc vigilants en cas de symptômes récurrents ou morts suspectes chez vos poules, et gardez cette piste dans un coin de votre tête. En cas de doute, faites faire une analyse de la teneur en mycotoxines de votre aliment dans un laboratoire d’analyses agricoles.
Veillez à ce que les matières premières que vous achetez, ou produisez, soient exemptes d’insectes tels que les charançons. Lorsque ces derniers s’attaquent au blé après sa récolte, ils mangent tout l’intérieur du grain. Il vous restera une matière première aux valeurs proches du son de blé (l’enveloppe du grain). En soi, rien de dramatique, le son apporte juste moins d’énergie que le blé. Vous pourrez toujours l’utiliser, et donnez les charançons aux poules, ce qui constituera un petit apport en protéines qui leur fera plaisir.
Quels changements dans l’alimentation des poules pourraient indiquer des problèmes de santé ?
Les poules expriment peu la douleur et la maladie. Elles ont gardé leurs vieux réflexes d’animal de proie : elles retardent le moment de manifester leurs troubles pour éviter de paraître faibles aux yeux d’un éventuel prédateur. Donc dès que des symptômes inhabituels surgissent et que vos poules montrent des signes de faiblesse, il faut agir vite.
La diminution de la quantité d’aliment ingérée est à prendre au sérieux. L’amaigrissement qui l’accompagne également. Pour vous rendre compte si vos poules maigrissent, deux options : soit vous les pesez régulièrement pour déceler une variation de poids, soit vous tâtez occasionnellement leur bréchet (os sur la poitrine ou sur le « plastron ») pour estimer leur état d’engraissement. Une poule maigre aura le bréchet proéminent. L’expérience vous aidera à poser un diagnostic, mais si vous avez le moindre doute sur la cause de sa perte d’état, consultez un vétérinaire spécialisé en Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC).
Vérifiez également que le jabot de vos poules se vidange. Une poule en bonne santé picore et se nourrit quasiment toute la journée. Son jabot se remplit donc de nourriture. Le soir, lorsqu’elles rentrent au poulailler pour dormir, vous pouvez observer que leur jabot est plein, car il forme une boule sur le côté droit du plastron. Tout est normal. Par contre, le matin au réveil, le jabot doit s’être vidé et le plastron doit avoir retrouvé un aspect plat. Si ce n’est pas le cas, votre poule a un souci et une visite chez le vétérinaire doit être envisagée.
Enfin, si l’une de vos poules picore le sol sans rien mettre dans son bec, c’est le signe qu’elle ne peut plus rien avaler. Parfois, un liquide semblable à de l’eau sort de son bec lorsqu’elle penche sa tête en avant pour picorer. Il ne faut pas traîner. Votre poule a probablement des vers du jabot, il faut la vermifuger avec un vermifuge chimique que vous trouverez chez le vétérinaire (beaucoup de produits alternatifs à base d’ail, tanaisie et armoise sont vendus avec comme argument marketing la correction des problèmes d’hygiène intestinale propices à l’installation des parasites internes, mais ils ne vermifugent pas).
Comment intégrer les besoins alimentaires de nouvelles poules dans un troupeau existant ? Y a-t-il des considérations spéciales ?
L’idéal est de vous assurer que les nouvelles poules viennent d’un élevage sain, où les animaux vivent dans des conditions décentes (espace suffisant, abri contre les intempéries la journée autre que le poulailler, nourriture adaptée, et surtout hygiène irréprochable). Leur santé est étroitement liée à ces conditions. Pour éviter de contaminer vos anciennes poules, isolez les nouvelles pour une quarantaine d’au moins dix jours. Cela vous laissera le temps d’observer leurs comportements, et de voir si elles déclenchent une maladie à cause du stress dû au changement d’environnement (coryza notamment). C’est aussi le bon moment pour vous assurer que les nouvelles recrues sont dépourvues de poux rouges, de poux mallophages, de vers intestinaux et de gale des pattes. Si c’est le cas, traitez-les avant la rencontre avec les anciennes pour éviter une contamination.
Du côté de l’alimentation, une transition entre l’ancien aliment et le nouveau est à prévoir s’ils sont différents. Il faut compter une dizaine de jours (le temps de la quarantaine) pour basculer progressivement de l’un à l’autre en donnant d’abord l’ancien aliment seul, puis en intégrant progressivement le nouveau jusqu’à ne donner plus que celui-là. Si vraiment vous n’avez pas la possibilité de vous procurer quelques kilos de l’ancien aliment, passez au nouveau directement. Du moment qu’il est équilibré, c’est le plus important.